Eaux vives, nouveaux regards

L'eau d'un torrent est un sujet difficile à peindre.
Voici comment JM a rendu le mouvement d'une petite cascade sur le Risse.




JM est un quasi débutant en aquarelle, il a un regard très personnel.

Je l'avais emmené près de la vieille scierie de Mégevette. Pour choisir un coin assez lumineux et confortable, nous avons longuement longé la rive en nous battant sauvagement contre les arbustes, les hautes herbes et les grandes feuilles (d'adénostyles ?) détrempées. Puis nous nous sommes enfin installés sur une pierre presque plate, en marge d'une minuscule plage, cernés par la terrible jungle. Nous étions deux, un troisième n'aurait pas pu tenir.

J'ai voulu m'éloigner de quelques mètres pour prendre du champ et photographier JM en pleine action de peinture... Là j'ai découvert qu'un bon chemin arrivait tout près de cet endroit que nous avions cru inaccessible !




Lise aussi est une débutante, elle venait de découvrir l'aquarelle. Elle a choisi une cascade près du pont Piccot qu'elle a interprétée ainsi.


Lise n'était pas satisfaite de la manière dont elle avait rapidement traité les arbres, en haut. En traversant le petit ruisseau des eaux-froides elle a glissé, l'aquarelle est tombée à l'eau : Lise a trouvé que le résultat était pas mal...

Eaux vives

C'est tout naturellement que je me suis retrouvé au bord du Risse avec mes aquarelles dès que j'ai pu. L'eau, avec sa musique et ses lumières offre décidément un thème inépuisable. Je peux l'observer des heures durant, et y découvrir mille phénomènes étonnants, déroutants. 

Petite anecdote concernant l'aquarelle présentée ci-dessous. Ce matin-là j'avais recherché le calme et même la solitude. Je voulais me retrouver seul avec mes pinceaux et une furieuse envie de saisir la lumière et le chant de l'eau. Je m'étais installé sur un lit de galets, presqu'au milieu de la rivière.
Pour peindre l'eau sur le vif - alla prima disent les magazines, mais je croyais cette expression réservée à la peinture à l'huile - il faut faire très vite, car les changements sont souvent brusques et inattendus.
Je prends d'abord du temps pour choisir mon sujet et mon emplacement, en tenant compte du confort et de la course future du soleil. J'observe, je tente de me laisser imprégner par l'ambiance, constituant mentalement, presqu'inconsciemment, les éléments généraux de la composition.
Dès que l'eau commence à inonder le papier et que commence la danse des pinceaux, il faut aller à l'essentiel, travailler rapidement. Je regarde, j'observe un effet, je le pose sur le papier, je regarde à nouveau : il a disparu, un autre m'attire l'oeil : vite le saisir, tout en cherchant à comprendre pourquoi et comment il s'insère dans l'ensemble, et vite décider.

Être seul et disponible est donc important, et ce matin-là, donc, j'avais choisi le coin en conséquence. Mais deux personnes sont pourtant arrivées, un jeune garçon et son grand-père je crois, et bien que la rivière leur offrait des kilomètres de rives désertiques, ils ont choisi de venir déplacer les galets à deux mètres de mon siège ! Ce comportement, qui n'est pas le premier du genre, mériterait une petite analyse, mais ce n'est pas le lieu ici.



Cette aquarelle m'a posé d'autres problèmes, et je suis retourné peindre le Risse. J'en montrerai des résultats.
J'ai fait aussi beaucoup de photos, pour tenter d'analyser certains effets, comprendre comment se forment certaines de nos impressions. J'ai ajouté un onglet spécial dans ce blog sur ce sujet.

Fleurs de montagne

La saison 2011 des balades-aquarelle aux Chavannes à Onnion a pris fin samedi dernier. Au bilan, une fort belle moisson de jolies oeuvres.

Parmi celles-ci, voici quelques fleurs de montagne. C'est un genre que je pratique rarement, auquel  cette année plusieurs se sont adonnés. Peut-être l'inspiration leur est-elle venue en regardant ce merveilleux livre que m'avait offert des étudiants, et qui était à leur disposition à l'atelier :
Le jardin enchanté de Maria Hofker
de Marie-France Boyer et Marijke Heuff, aux éditions du chêne.

Les trois aquarelles ci-dessous ont été réalisées par trois débutantes, Léa, Julie et Lise. 










Julie et Lise ont travaillé en plein-air au cours d'une balade, les fleurs sont celles qu'elles ont trouvé dans la montagne ce matin-là. Les voici. C'est cela les balades-aquarelle aux Chavannes.





Lumineuse charpente extérieure

Un matin de juillet le soleil avait décidé de se montrer et j'accompagnais quelques aquarellistes à la Tornerie, où le vieux chalet semble avoir résisté à l'hiver. Tandis que Liz et Michel saisissaient la façade, Emma cherchait à représenter les petits lutins qui peuplent la prairie. Marianne s'était attaquée au panorama vers la Haute Pointe. Elise laissait aller son imagination. Je passais de l'un à l'autre pour les conseiller.
La lumière changeait vite. Assez brusquement, frappant le sol clair, elle nous dévoila l'étonnante complication de la charpente extérieure, visiblement maintes fois remaniée au fil du temps. Cet instant magique si court m'a demandé quelques heures de travail.


Balades aquarelle aux Chavannes à Onnion : c'est reparti !

L'atelier aquarelle des Chavannes à Onnion a rouvert ses portes ce 10 juillet. Premières balades à partir du 11, découverte de l'aquarelle en pleine nature pour tous les participants.


Depuis le 17, la pluie est venue nous perturber. Qu'à cela ne tienne : l'atelier est ouvert presque tous les jours matin et après-midi, c'est une ruche ! La "production" est variée.

Voici un exemple : nous étions un matin descendus juste en bas du pré devant la maison, car le temps menaçait. Le vieux chalet, en face de la piscine, posait pour nous. La pluie nous a chassés en fin de matinée, nous avons terminé nos oeuvres à l'atelier. Voici le chalet peint par Huguette, qui venait de  découvrir l'aquarelle avec nous seulement quelques jours auparavant !

J'aime la manière simple et libre dont elle a traité les vieux bois et cette lumière diffuse d'avant la pluie.


Michel a choisi une perspective :


Liz, quant à elle, a travaillé la composition et le relief de la façade.


Moi-même ai simplement croqué le vieux bois.





Sur le Rogin, face au Mont Blanc

La route d'Onnion à Plaine-Joux enfile les lacets comme sur une longue chaussure montante. Un coup à droite, un coup à gauche. Tout à coup, au-dessus du rocher et du hameau du Rogin, une petite aire où l'on peut  enfin stationner. Il suffit de traverser la route et de chercher le petit sentier qui mène sur le rocher. Peut-être aperçoit-on encore les restes du panneau de bois indiquant timidement : Panorama.
Derrière le rideau d'arbres on reste coit. Là on domine le village d'Onnion et ses environs, protégés par la Pointe des Brasses à droite. Tout à fait à gauche, le Pic du Marcelly émerge doucement derrière les pentes de Sommand. Et tout en face, bien sûr, si lointain et si proche à la fois, sa Majesté le Mont Blanc attire forcément le regard, imposant, fascinant. Prosterné loin devant lui se devinent les lappiaz du désert de Platé, le col et la Pointe du Colonney. Quelques névés y brillent encore, que l'été asséchera certainement.

Dans le ciel tournoie un couple de grands rapaces.

Ici le monde nous appartient. Bientôt nous y serons.

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Petits exercices en attendant les balades-aquarelles à Onnion

Le 10 juillet commenceront les balades-aquarelles au Centre de vacances familiales "Les Chavannes" à Onnion, en Haute-Savoie.
J'ai hâte d'y retrouver leur ambiance détendue et amicale. L'aquarelle sans prise de tête. Je m'y sens vraiment libéré, heureux de partager les heureux sentiments que nous apporte la montagne découverte avec des amis.

En attendant, je m'exerce par quelques menus travaux. D'abord une copie libre d'un travail de Toulouse-Lautrec. Ambiance de café parisien.


Puis j'ai pris simplement pour modèle les pots dans lesquels je trempais mes pinceaux.
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Cela donne ... quelques instants d'évasion. Je m'y suis surpris à rêver de montagne et d'aquarelles entre amis. Vivement bientôt !

Le vieux prunier du jardin

Si le choix du papier est important pour la réalisation de l'aquarelle, (cf l'aquarelle précédente où j'avais pris la chose avec désinvolture !), sa préparation l'est aussi.

La solution "facile" du bloc encollé sur 4 côtés, que j'ai longtemps utilisé, ne fonctionne plus bien si on mouille trop le papier : malgré l'encollage la feuille se tord et le bloc se décolle, surtout dans les "grands" formats.

Dans les balades-aquarelles, on tend la feuille préalablement sur une planchette en contre plaqué. C'est très pratique dans le sac à dos ... là aussi à condition de limiter le format. Et en technique humide, le contrôle de l'humidité du papier est assez difficile car le contre plaqué absorbe une partie de l'eau.

J'ai essayé un nouveau support - en tout cas nouveau pour moi. J'ai trempé ma feuille dans l'eau quelques minutes et l'ai plaquée sur une plaque d'aluminium. L'excédent d'eau s'écoule naturellement  et la feuille reste "collée" assez longtemps : quand elle commence à se décoller et gondoler c'est que la sécheresse guette !

J'ai fait cet essai simple avec du papier "centenaire" 300 g, en prenant pour modèle le prunier du jardin (Ils sont sympa les arbres, ils tiennent la pose).

A la maison ou l'atelier, pas de problème, mais pour le travail sur le vif il reste l'inconfort de se balader avec une plaque d'alu. Cela ne devrait pas être beaucoup plus compliqué qu'avec des plaques de contre plaqué. Par ailleurs, je vais essayer de vernir sur une face des plaques de contre plaqué (je crains que les plaques se courbent) pour remplacer l'alu, plus difficile à trouver.

Cueillette du muguet dans les bois

1er Mai. Et si nous allions ramasser du muguet dans la forêt de L'Isle-Adam ?

 
Pendant que Danielle cueille et confectionne deux ou trois bouquets, je m'installe au pied d'un petit rocher pour peindre rapidement. Le sol est sablonneux. Les arbres, essentiellement chênes et bouleaux, semblent malingres. C'est un endroit que j'affectionne. Les chevreuils aussi, sans doute, car les nombreux gratis et une petite coulée en contrebas révèlent leur passage régulier.

Le calme. Presque.

Un promeneur, ne supportant pas de ne pas être ensardiné, sans doute, vient se placer si près de moi que je crains qu'il me marche sur les pieds. Qu'est-ce qui peut à ce point le conditionner : la vie en cité, le travail en "open spaces", la pratique des trains de banlieue ? Ni urbain ni curieux, il part sans un mot et sans un regard sur ce que je fais, assis par terre.

Je vous souhaite une bonne promenade et le bonsoir Monsieur le passant anonyme.



Heuchère

Les fleurs de l'heuchère sont apparues. Très vite, en quelques jours.
Cette plante est incroyable : son apparence change très vite, très souvent.

Je me suis planté devant elle pour la peindre. Elle ne sait pas prendre la pause !
La quittant des yeux le temps de porter quelqes coups de pinceaux sur le papier, elle a changé de couleur et relevé un coin de feuille. Puisqu'elle change sans cesse, comment suis-je sûr que c'est bien toujours la même ?

Tulipes et heuchère au jardin

Au pied du prunus pleureur un troupeau de tulipes s'est installé, escortant l'heuchère. Ces belles taches rouges se dodelinant au gré du vent jouaient avec le beau soleil d'Avril.

Je me suis couché dans l'herbe pour les peindre.

Je trouve que les rouges sont très difficiles à peindre. Peut-être parce que je les peins rarement ? Ils sont fascinants, à la fois transparents et opaques, renvoyant la lumière comme nulle autre couleur. Je voudrais apprendre à les dompter.




Au milieu de la troupe de tulipes l'heuchère se prélassait. Je pensais bien naïvement qu'elle ne servirait qu'à rompre l'alignement des têtes rouges. J'oubliais que l'heuchère est aussi nommé "désespoir du peintre", elle me l'a vite fait savoir. Sa personnalité ne pouvait accepter de se laisser placer parmi les faire-valoir, et elle m'a obligé à la prendre davantage en considération. Devant les difficultés évidentes qu'elle m'a posées, j'ai décidé de consacrer à sa majesté l'heuchère un portrait réservé.



Ses habits sont à la fois transparents et légers : le vent sans cesse jouent avec les jeunes feuilles qui dominent, tandis que le soleil les traverse et les illumine. Les plus anciennes semblent plus lourdes et restent près du sol, bien moins mobiles. Leur architecture, complexe, est heureusement plus facile à observer. Sous les jeux de lumière, elles semblent formées de mille facettes, chacune jouant de ses couleurs et reflets. Chaque instant, tout change.

Il parait que les fleurs sont bien plus difficiles encore à saisir. Elles étaient encore bien cachées, mais hier matin les premières hampes fleuries viennent d'apparaître.

J'essayerai encore. 

Cascades dans le cirque du fer-à-cheval

Situé sur la commune de Sixt-Fer-à-Cheval (Haute-Savoie), le cirque du Fer-à-Cheval est un site classé au patrimoine de l'humanité par l'UNESCO. Un lieu magique, qu'on ne peut découvrir qu'à pieds.

Venant de Samoëns puis Sixt, on remonte la haute vallée du Giffre, traversant des hameaux de vieux chalets et mazots. Après Nambride, on laisse sa voiture au parking. C'est obligatoire depuis 2003 : fin août, quelques milliers de tonnes de pierre étaient descendus de la montagne, barrant le giffre, mettant en péril les villages jusqu'à Samoëns. 

Juste après le parking la vallée part à gauche pour finir 5 ou 6 km plus loin en cul-de-sac, au lieu-dit le bout-du-monde. Le giffre y prend source, alimenté par des dizaines de cascades dégringolant de ces énormes falaises qui enserrent le site de toutes parts. Les strates du terrain alternant pierres et pelouses dessinent d'étranges courbes. Les falaises sont coiffées de hauts sommets, que le Tenneverge et sa corne de Chamois semblent dominer, mais ce n'est qu'une illusion.

Et partout les cascades ruissellent. On ne sait les compter. Leur nombre et leurs débits peuvent rapidement varier selon les conditions météorologique.   

A gauche du Tenneverge on aperçoit les glaciers du Prazon et du Ruan. Les eaux de fonte des glaciers descendent rapidement les quelques mille quatre cents mètres de dénivelé pour se méler au giffre naissant. Ce sont ces envolées belles que j'ai tenté de croquer.

J'ai voulu représenter simplement les cascades descendant du Prazon et du Ruan, en les regardant droit dans les yeux. La vallée ne fait guère plus de 250 m de large, et le dos au mur de la falaise opposée je n'avais pas de recul, je me sentais comme écrasé.

Pour l'anecdote, j'ai dû travailler debout : chaque fesse tentant de se poser sur une pierre était instantanément et impitoyablement punie par une armée de fourmis féroces. Peut-être l'aquarelle "sur le vif" en garde-t-elle trace ! 

Chacune de mes visites à ce site m'a laissé sidéré, stupéfait. Visites de courtoisie, sagement cantonnées aux chemins presques plats du fond de vallée, ou traversées plus énergiques pour une rando en altitude ; sous le soleil, les nuages, la pluie, ou encore sous l'orage terrifiant, quand les cascades éclatent brusquement comme des bouteilles de champagne trop sécouées et projettent au loin des arbres entiers comme s'il s'était agi de minuscules fétus, quelques soient les circonstances, cette montagne m'envoûte.


Autoportrait au pastel - Un problème de rendu photographique

Peinant à trouver un modèle, je me suis placé devant le miroir. J'ai essayé le pastel sec, conseillé par Loïc à l'Atelier Municipal d'Arts Plastiques.

La technique est assez sympa, pleine de possibilités. Je ferais d'autres essais.

Par contre il est difficile de se regarder, de prendre de la distance avec son sujet. De plus, celui-ci bouge tout le temps.

"Tu t'es représenté trop sévère", me reproche-t-on. Mais le modèle n'était pas drôle, certainement  trop préoccupé par son travail, comme le peintre l'était par le sien.



La photographie du pastel pose un problème : les bleus sont rendus trop clairs et éclatants.
Problème semblable en photographiant des aquarelles où certains bleus (bleu de prusse) se révélent presque fluos ! Voir par exemple la falaise près des chalets de Salles.
Je n'arrive pas à corriger mes photos pour redonner sa vraie place au bleu employé. Quelqu'un saurait-il me conseiller pour obtenir des photos plus honnêtes ?

Contre-jour à la Tornerie

Le soleil nous fait parfois de beaux cadeaux et se place de telle sorte qu'une scène tout à fait ordinaire puisse prendre un relief particulier. En montagne, même lorsque le soleil est encore assez  haut, ses rayons peuvent se faire rasants le long de pentes, et nous offrir en contre-jour des effets saisissants mais éphémères.

Un après-midi d'Août, j'accompagnais quelques aquarellistes à la Tornerie, à Plaine-Joux. Face à nous, le soleil a illuminé arbres et chalets. J'ai tenté en quelques minutes de saisir l'impression qui s'en dégageait.



 

Aquarelle et liberté

L'aquarelle m'apporte un sentiment de liberté. Je l'ai pratiquée longtemps seul dans la nature, sans avoir appris, nul ne me disait ce que je devais faire ni comment je devais le faire. Les résultats étaient bien naïfs et maladroits, et certainement aurais-je pu avancer moins lentement en suivant les leçons et conseils de professeurs. Peu m'importe. J'ai gagné pas à pas mon autonomie face aux paysages, d'abord, en découvrant que je ne savais pas les regarder, (je ne sais toujours pas bien, mais maintenant je sais que je ne sais pas ...). J'ai appris que pour me sentir libre il fallait me laisser apprivoiser par eux.
J'ai lutté pour conquérir mon autonomie face aux papiers, aux couleurs, à l'eau, aux pinceaux. Au début, chacun n'en fait qu'à sa tête ! Maintenant je sélectionne les papiers, pinceaux et quelques pigments des moins récalcitrants. Mais surtout  j'ai appris que je ne trouve mon chemin de liberté que si je laisse l'eau et les couleurs trouver le leur. Ma liberté n'est jamais aussi grande que lorsque je la partage avec eux.

Ce n'est que lorsque je me suis senti plus autonome face aux paysages, aux couleurs et aux pinceaux que j'ai pu communiquer : montrer ce que je faisais, en discuter. Exposer. Puis accompagner. Enfin ... me laisser accompagner et guider ! En liberté.

Laissez-moi illustrer mon propos par une aquarelle pour laquelle j'ai particulièrement ressenti cette liberté ... dès lors que j'ai accepté de laisser la leur aux éléments. Le résultat n'est pas génial, mais ce fût un grand pas pour moi.






Je ne peux pas parler de liberté aujourd'hui sans exprimer mon respect pour les peuples Arabes, Iranien, Birmans, Indonésiens et bien d'autres qui luttent et risquent leur vie pour la liberté.

Et nous autres, français ? J'ai l'impression que nous nous comportons  plutôt comme de chanceux héritiers de nos ancêtres révolutionnaires et résistants : oubliant à quel prix ils acquirent la liberté, nous jouissons de l'héritage sans l'entretenir, le laissant progressivement se dégrader. Un jour, nous faudra-t-il de nouveau payer le prix fort, car notre liberté est grignotée petit à petit, dans les entreprises et dans la vie de tous les jours. L'étau de la pensée unique s'est considérablement resserré, tous les moyens sont bons pour le formatage des cerveaux : organes de presse et système d'enseignement les enferment trop souvent dans le même réseau d'idées pré-digérées, où la loi fondamentale est la loi du marché.

En comparaison de la lutte des peuples opprimés, la liberté cherchée dans la pratique de l'aquarelle peut sembler incroyablement futile et égocentrée. Pourtant je crois qu'elle peut nous aider. Au moins nous apprend-elle que la liberté n'est pas donnée gratuitement. Elle se conquiert, il faut l'arracher, en luttant d'abord contre nous-même. Et elle n'existe que si elle est partagée.

Chalet en ruine, sur le chemin du Replan

Au bord du chemin qui mène au Replan, juste sous la pointe de Miribel, s'élevait encore au milieu des années 90 ce vieux chalet inoccupé. Il m'a accordé trois ou quatre longues séances de pose, avec la complicité à la fois de la brume et du soleil, et m'a donné de bonnes leçons. J'ai essayé là plusieurs procédés pour des effets qui me posaient problèmes, comme les branchages en contre-jour ou la végétation envahissant le muret. Avec plus ou moins de bonheur bien sûr.

Même s'il ne présente pas grand attrait aux regards des autres on peut être content de son travail : on s'est bien battu, on a osé et on a le sentiment d'avoir surmonté quelques difficultés. On a appris quelque chose.

Je l'aimais bien ce chalet. L'année suivante, j'avais projeté de revenir lui tirer le portrait, mais toute la toiture s'était écroulée. Il n'est bientôt plus resté que la base des murs. Maintenant seuls ceux qui le connaissaient savent reconnaître ses restes. Il a bien mérité de survivre encore un peu, symboliquement, sous forme de cette image peinte qui porte le souvenir des sentiments qu'il m'a inspirés.


Balade en aquarelle en 2006

Les balades-aquarelle ont été pratiquées au Centre de Vacances des Chavannes à Onnion pendant les vacances d'été 2009 et 2010, et il est prévu de les poursuivre en 2011. L'idée a certainement commencé à germer en 2006, quand les Chavannes ont accueilli une petite exposition des aquarelles que j'avais peintes au cours des vacances précédentes. L'expo se nommait  "Balade en aquarelle". Le catalogue, tiré à 2 exemplaires (!) la présentait ainsi :

Balade en aquarelle, c’est d’abord et tout simplement l’envie de sortir, de marcher en liberté et de regarder.

Découvrir doucement la montagne. Se poser. Pourquoi la montagne est-elle belle ? Pourquoi nous émeut-elle ? Regarder longuement. Ce que l’on prenait pour l’insignifiant est en réalité à la source de la beauté. La brume légère qui refroidissait la couleur et qui maintenant l’adoucit, l’angle de la lumière qui varie imperceptiblement et tout à coup dévoile un nouveau plan, l’arbre apparemment banal dont la riche personnalité se révèle à l’observation, la course de l’ombre, de la lumière et de l’eau vive, tous ces détails tout à l’heure inconnus et éparpillés soudain s’assemblent et s’intègrent à la montagne. Sa vision fugitive autant qu’éternelle vous pénètre.

L’envie de garder ce moment vous vient parfois doucement, insidieusement, parfois avec la brusquerie des sentiments forts. Mais comment saisir cet instant ?
Oser peindre. Laisser s’exprimer l’œil et la main, les abandonner à la montagne, à l’arbre, à l’eau et à la lumière qui vous empruntent ces instruments de leur âme. Se laisser trouver du plaisir à découvrir ce que la couleur, bien souvent malgré vous, construit. Au gré de l’humeur, se laisser conduire par le pinceau et les effets d’eau, ou bien tenter de maîtriser une ombre, une forme ou un effet. Emprunter au paysage sa composition, l’apprivoiser, découvrir parfois quelque secret de sa structure.

Parfois le cœur n’y est pas, la couleur vous trahit, ou bien vous vous acharnez lorsqu’il eut fallu s’abandonner aux premiers coups de pinceaux. Le quotidien reprend alors le dessus : les fourmis vous envahissent, le soleil vous brûle, la pierre sur laquelle vous êtes assis est soudain plus dure. Vous vous détachez quelques instants de votre petit univers de papier et reprenez possession de votre corps et de votre esprit. De loin, vous jetez du coin de l’œil, presque par hasard, un regard détaché vers ce que vous et vos pinceaux façonniez. Vous découvrez, tout surpris, ce que la montagne et l’instant vous ont donné, avec ses défauts et ses grâces.

Balade en aquarelle n’a pas d’autres ambitions que de vous dire : vas-y, enfile tes chaussures, prends tes pinceaux, mets ton sac sur le dos, marche, regarde, pose-toi et ose.
 
 

Brume sur le lac du Môle

Il devait être environ 6 heures, un matin d'août 2009. Claire et moi revenions d'Annemasse à Onnion. En passant à Ville-en-Sallaz nous fûmes surpris par la beauté émanant du brouillard éclairé des premiers rayons de soleil, au dessus du lac du Môle. Nous nous sommes arrêtés. Chacun avait emmené son appareil photo. 
Ce genre de beauté est fugitive. Le temps de se garer, la lumière changeait déjà profondément.

Claire a fait des photos superbes. Elle fait toujours des photos superbes. Elle a un oeil étonnant, apte à découvrir le bon angle, la bonne lumière, la belle couleur, l'ombre expressive, le petit détail merveilleux que nous avons devant les yeux mais que nous ne savons pas bien voir. Claire, elle, sait voir tout cela.


J'ai imprimé l'une de ses photos et l'ai affiché à l'atelier. Un jour de pluie Nathalie l'a prise pour modèle. C'était je crois sa seconde aquarelle, et je crois lui avoir conseillé de choisir un sujet plus facile. Je ne regrette pas qu'elle ne m'ait pas écouté.


C'est très simple : beaucoup d'entre vous ont du talent. Beaucoup de talent.

Le courage de s'exprimer

Bien des gens parmi nous ont dessiné à l'école. Souvent de belles oeuvres en maternelle, parce que libres, dégagées de tout préjugé. Ensuite les dessins et peintures deviennent plus conventionnels puis trop souvent stéréotypés, alignés, contraints. Devenus adultes nous nous spécialisons : quelques uns deviennent artistes professionnels, et parmi les autres beaucoup se jugent peu capables de créer quelque chose qui ait quelque valeur.

Le système scolaire nous a-t-il à ce point formatés qu'il a bloqué notre créativité ? Les médias, la culture TV et pipeaule, les effets de mode, ou bien encore les organisations informatisées et procéduralisées nous ont-ils robotisés  ? La "société" laissant croire que la seule valeur qui compte est financière, nous ampute-t-elle de notre personnalité ? Ou bien serait-ce seulement "normal" d'être doué à 4 ans et de régresser ensuite ?

En fait la plupart des individus sont capables de se doter et de faire fructifier au moins un talent créatif particulier, dans un domaine ou un autre : musique, bricolage, poésie, décoration, humour, écriture, danse, cuisine, sport, théatre, que sais-je encore ? Et beaucoup sont bien plus doués à s'exprimer par les formes et les couleurs qu'ils ne le croient. Y compris avec l'aquarelle, réputée difficile. Mais pour le voir il faudra vaincre quelques obstacles.

Oser essayer d'abord. S'exprimer. Pas facile !

Accepter ce que nos yeux et nos mains on fait, avec la complicité de l'eau, des pigments, du papier. Ce n'est jamais ce que l'on avait imaginé. Si on compare seulement avec ce que l'on voulait obtenir, alors on risque la déception. Par contre, si on accepte l'imprévu, si on regarde son travail comme on regarderait celui de quelqu'un d'autre, alors on peut y trouver de grandes joies. A la fin des balades-aquarelles chacun des participants qui s'est échiné sur son travail va regarder les oeuvres des autres : "c'est magnifique ce que tu as fait, alors que moi j'ai raté !". Il y a en chacun de nous une part d'expression souvent inconsciente - un peu comme le style de l'écriture manuscrite - qui "parle" de nous-même, c'est ce qui peut nous faire peur, et que d'autres nous envient, cela devrait nous rassurer.  

Voici une aquarelle que Dany a peinte dimanche dernier. J'aime la simplicité du trait, la fraîcheur du sujet, la légèreté. Et l'audace de s'être lancée en surmontant sa peur de l'échec.

Comme au cours des balades-aquarelles dont je vous montrerai bientôt d'autres oeuvres, j'aime voir ainsi ressurgir capacités et talents, restés si profondément enfouis au fond des personnalités que leurs auteurs sont  les derniers à y croire. 



Bien sûr il ne faut pas être naïf : si l'on veut bien progresser ensuite, il faudra oser à nouveau, et à nouveau encore.  Il faudra travailler, et travailler encore : un vrai plaisir !

Portraits : coup de pinceau au coeur

Relisant mes commentaires du portrait de Clémence, j'ai découvert que je n'avais parlé que de technique. Même constat concernant le portrait de Perrine jouant à l'eau.

Visiblement, je ne suis pas capable de parler spontanément des sentiments qui m'animaient lorsque je les réalisais. C'est moins difficile de parler de ce que j'éprouve devant un paysage de montagne, de la manière dont je l'aborde, je l'observe, je l'apprivoise et me laisse apprivoiser.

Mais comment dire tout ce qui se passe dans le coeur quand il s'agit des petites-filles ? Ça déborde, même si le geste se sécurise un peu par l'intermédiation de la photo. On essaye de "prendre de la distance", on se dit pour se rassurer qu'on interprète une image sur un morceau de papier ! Mais non, il n'y a rien à faire, le coeur bat plus fort, le geste est plus retenu, plus doux peut-être que pour la nature morte ou le paysage.

Derrière la photo de Perrine, ses rires fusaient. Dans ma tête passaient toutes nos histoires communes, nos réciproques découvertes depuis son berceau, nos jeux, ses câlins, ses regards si rieurs ou malins ou boudeurs. Nos trop rares moments passés ensemble. Tout cela a voulu passer au delà du pinceau, et je suis malheureux de ne pas avoir su tous les exprimer.

En abordant le portrait de Clémence j'étais plus angoissé. Je mettais cela sur le compte de la difficulté du geste à accomplir, de la ressemblance qu'il ne fallait pas rater. A la réflexion, la difficulté technique était un bon alibi. J'avoue : Clémence me regardait sans cesse. Elle a un regard particulier, encore celui de l'enfant qui découvre le monde et s'en étonne, en même temps déjà tellement mûr et sûr de lui. A la fois interrogateur, bienveillant et conquérant tout en douceur vers son Papy. Qui fond. Du haut de ses cinq ans passés, elle m'impressionne !

En réalisant ces portraits j'avais très peur. De ne pas "faire ressemblant", de ne pas trouver la juste couleur, de ne pas équilibrer la composition, de ne pas distinguer les bonnes valeurs ... En réalité je n'avais peur que d'une chose : que Clémence et Perrine ne voient pas dans mes coups de pinceaux que je les aime.

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