Déchirure. Aquarelle



Le premier ministre a récemment évoqué la possibilité de demander des "contreparties" aux citoyens qui reçoivent des aides sociales, lesquelles, selon le Président, coûteraient "un pognon de dingue". Plus récemment une ministre suggère de faire payer l'impôt sur le revenu à tous, y compris les plus pauvres, afin de "recréer le lien entre citoyen et impôt".

Je ne veux pas discuter ici des arguments en faveur ou défaveur de ces propositions, mais simplement observer ce qu'elles révèlent des visions du monde qu'elles supposent : en gros, la "valeur" d'un homme se résumerait à son poids financier, au "pognon" qu'il coûte et à l'argent qu'il rapporte. 

Monsieur le Président, Madame et Monsieur le Ministre, vous n'avez rien compris : la plupart des gens mettent leur fierté et leur honneur dans l'utilité qu'ils ont ou pensent avoir dans la société, et cette utilité ne se gère pas dans les banques ni dans les finances publiques. Elle ne s'évalue pas en euros.


Les preuves nous crèvent les yeux tous les jours : bien des citoyens agissent dans des associations à titre bénévole, y compris un nombre important de soi-disant "assistés", des gens "qui ne sont rien" vous semble-t-il. D'autres ont revêtu un gilet jaune et fourni des efforts immenses et non rémunérés pour sortir du corset économique et se sentir enfin utiles. Loin d'être des paresseux assistés, ils ont fait preuve d'un courage qui eut été bien mieux employé à travailler - avec juste "contrepartie" rémunérée - à réparer par exemple les services publics indispensables.

En leur fournissant des emplois où l'on insulte leur intelligence à grand renfort de "bonnes pratiques de management", ou pire, en les privant de travail, qu'on a remplacé par d'abstraits et complexes "revenus sociaux", ce n'est pas d'abord leur porte-monnaie qui est touché : c'est leur honneur et leur fierté d'homme et de citoyen.

Mesdames et messieurs qui gouvernez, veuillez prendre conscience que ce ne sont pas des euros et dollars que vous devez "gérer", ce sont des hommes, dans toutes leurs dimensions.



(Vous avez bien compris que le mot "homme" ici signifie homme ou femme. L'écriture dite inclusive est lourde et pénible, je fais confiance en l'intelligence des lectrices et lecteurs pour comprendre que j'utilise un genre général)







1 commentaire:

  1. " Faire de l'argent un moyen et non une fin, mettre au centre de nos préoccupations l'humain et la nature, et l'argent à leur service, est la seule alternative possible dans l'incohérence où nous sommes " ( Pierre Rabhi )

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