Chalet en ruine, sur le chemin du Replan

Au bord du chemin qui mène au Replan, juste sous la pointe de Miribel, s'élevait encore au milieu des années 90 ce vieux chalet inoccupé. Il m'a accordé trois ou quatre longues séances de pose, avec la complicité à la fois de la brume et du soleil, et m'a donné de bonnes leçons. J'ai essayé là plusieurs procédés pour des effets qui me posaient problèmes, comme les branchages en contre-jour ou la végétation envahissant le muret. Avec plus ou moins de bonheur bien sûr.

Même s'il ne présente pas grand attrait aux regards des autres on peut être content de son travail : on s'est bien battu, on a osé et on a le sentiment d'avoir surmonté quelques difficultés. On a appris quelque chose.

Je l'aimais bien ce chalet. L'année suivante, j'avais projeté de revenir lui tirer le portrait, mais toute la toiture s'était écroulée. Il n'est bientôt plus resté que la base des murs. Maintenant seuls ceux qui le connaissaient savent reconnaître ses restes. Il a bien mérité de survivre encore un peu, symboliquement, sous forme de cette image peinte qui porte le souvenir des sentiments qu'il m'a inspirés.


Balade en aquarelle en 2006

Les balades-aquarelle ont été pratiquées au Centre de Vacances des Chavannes à Onnion pendant les vacances d'été 2009 et 2010, et il est prévu de les poursuivre en 2011. L'idée a certainement commencé à germer en 2006, quand les Chavannes ont accueilli une petite exposition des aquarelles que j'avais peintes au cours des vacances précédentes. L'expo se nommait  "Balade en aquarelle". Le catalogue, tiré à 2 exemplaires (!) la présentait ainsi :

Balade en aquarelle, c’est d’abord et tout simplement l’envie de sortir, de marcher en liberté et de regarder.

Découvrir doucement la montagne. Se poser. Pourquoi la montagne est-elle belle ? Pourquoi nous émeut-elle ? Regarder longuement. Ce que l’on prenait pour l’insignifiant est en réalité à la source de la beauté. La brume légère qui refroidissait la couleur et qui maintenant l’adoucit, l’angle de la lumière qui varie imperceptiblement et tout à coup dévoile un nouveau plan, l’arbre apparemment banal dont la riche personnalité se révèle à l’observation, la course de l’ombre, de la lumière et de l’eau vive, tous ces détails tout à l’heure inconnus et éparpillés soudain s’assemblent et s’intègrent à la montagne. Sa vision fugitive autant qu’éternelle vous pénètre.

L’envie de garder ce moment vous vient parfois doucement, insidieusement, parfois avec la brusquerie des sentiments forts. Mais comment saisir cet instant ?
Oser peindre. Laisser s’exprimer l’œil et la main, les abandonner à la montagne, à l’arbre, à l’eau et à la lumière qui vous empruntent ces instruments de leur âme. Se laisser trouver du plaisir à découvrir ce que la couleur, bien souvent malgré vous, construit. Au gré de l’humeur, se laisser conduire par le pinceau et les effets d’eau, ou bien tenter de maîtriser une ombre, une forme ou un effet. Emprunter au paysage sa composition, l’apprivoiser, découvrir parfois quelque secret de sa structure.

Parfois le cœur n’y est pas, la couleur vous trahit, ou bien vous vous acharnez lorsqu’il eut fallu s’abandonner aux premiers coups de pinceaux. Le quotidien reprend alors le dessus : les fourmis vous envahissent, le soleil vous brûle, la pierre sur laquelle vous êtes assis est soudain plus dure. Vous vous détachez quelques instants de votre petit univers de papier et reprenez possession de votre corps et de votre esprit. De loin, vous jetez du coin de l’œil, presque par hasard, un regard détaché vers ce que vous et vos pinceaux façonniez. Vous découvrez, tout surpris, ce que la montagne et l’instant vous ont donné, avec ses défauts et ses grâces.

Balade en aquarelle n’a pas d’autres ambitions que de vous dire : vas-y, enfile tes chaussures, prends tes pinceaux, mets ton sac sur le dos, marche, regarde, pose-toi et ose.
 
 

Brume sur le lac du Môle

Il devait être environ 6 heures, un matin d'août 2009. Claire et moi revenions d'Annemasse à Onnion. En passant à Ville-en-Sallaz nous fûmes surpris par la beauté émanant du brouillard éclairé des premiers rayons de soleil, au dessus du lac du Môle. Nous nous sommes arrêtés. Chacun avait emmené son appareil photo. 
Ce genre de beauté est fugitive. Le temps de se garer, la lumière changeait déjà profondément.

Claire a fait des photos superbes. Elle fait toujours des photos superbes. Elle a un oeil étonnant, apte à découvrir le bon angle, la bonne lumière, la belle couleur, l'ombre expressive, le petit détail merveilleux que nous avons devant les yeux mais que nous ne savons pas bien voir. Claire, elle, sait voir tout cela.


J'ai imprimé l'une de ses photos et l'ai affiché à l'atelier. Un jour de pluie Nathalie l'a prise pour modèle. C'était je crois sa seconde aquarelle, et je crois lui avoir conseillé de choisir un sujet plus facile. Je ne regrette pas qu'elle ne m'ait pas écouté.


C'est très simple : beaucoup d'entre vous ont du talent. Beaucoup de talent.

Le courage de s'exprimer

Bien des gens parmi nous ont dessiné à l'école. Souvent de belles oeuvres en maternelle, parce que libres, dégagées de tout préjugé. Ensuite les dessins et peintures deviennent plus conventionnels puis trop souvent stéréotypés, alignés, contraints. Devenus adultes nous nous spécialisons : quelques uns deviennent artistes professionnels, et parmi les autres beaucoup se jugent peu capables de créer quelque chose qui ait quelque valeur.

Le système scolaire nous a-t-il à ce point formatés qu'il a bloqué notre créativité ? Les médias, la culture TV et pipeaule, les effets de mode, ou bien encore les organisations informatisées et procéduralisées nous ont-ils robotisés  ? La "société" laissant croire que la seule valeur qui compte est financière, nous ampute-t-elle de notre personnalité ? Ou bien serait-ce seulement "normal" d'être doué à 4 ans et de régresser ensuite ?

En fait la plupart des individus sont capables de se doter et de faire fructifier au moins un talent créatif particulier, dans un domaine ou un autre : musique, bricolage, poésie, décoration, humour, écriture, danse, cuisine, sport, théatre, que sais-je encore ? Et beaucoup sont bien plus doués à s'exprimer par les formes et les couleurs qu'ils ne le croient. Y compris avec l'aquarelle, réputée difficile. Mais pour le voir il faudra vaincre quelques obstacles.

Oser essayer d'abord. S'exprimer. Pas facile !

Accepter ce que nos yeux et nos mains on fait, avec la complicité de l'eau, des pigments, du papier. Ce n'est jamais ce que l'on avait imaginé. Si on compare seulement avec ce que l'on voulait obtenir, alors on risque la déception. Par contre, si on accepte l'imprévu, si on regarde son travail comme on regarderait celui de quelqu'un d'autre, alors on peut y trouver de grandes joies. A la fin des balades-aquarelles chacun des participants qui s'est échiné sur son travail va regarder les oeuvres des autres : "c'est magnifique ce que tu as fait, alors que moi j'ai raté !". Il y a en chacun de nous une part d'expression souvent inconsciente - un peu comme le style de l'écriture manuscrite - qui "parle" de nous-même, c'est ce qui peut nous faire peur, et que d'autres nous envient, cela devrait nous rassurer.  

Voici une aquarelle que Dany a peinte dimanche dernier. J'aime la simplicité du trait, la fraîcheur du sujet, la légèreté. Et l'audace de s'être lancée en surmontant sa peur de l'échec.

Comme au cours des balades-aquarelles dont je vous montrerai bientôt d'autres oeuvres, j'aime voir ainsi ressurgir capacités et talents, restés si profondément enfouis au fond des personnalités que leurs auteurs sont  les derniers à y croire. 



Bien sûr il ne faut pas être naïf : si l'on veut bien progresser ensuite, il faudra oser à nouveau, et à nouveau encore.  Il faudra travailler, et travailler encore : un vrai plaisir !

Portraits : coup de pinceau au coeur

Relisant mes commentaires du portrait de Clémence, j'ai découvert que je n'avais parlé que de technique. Même constat concernant le portrait de Perrine jouant à l'eau.

Visiblement, je ne suis pas capable de parler spontanément des sentiments qui m'animaient lorsque je les réalisais. C'est moins difficile de parler de ce que j'éprouve devant un paysage de montagne, de la manière dont je l'aborde, je l'observe, je l'apprivoise et me laisse apprivoiser.

Mais comment dire tout ce qui se passe dans le coeur quand il s'agit des petites-filles ? Ça déborde, même si le geste se sécurise un peu par l'intermédiation de la photo. On essaye de "prendre de la distance", on se dit pour se rassurer qu'on interprète une image sur un morceau de papier ! Mais non, il n'y a rien à faire, le coeur bat plus fort, le geste est plus retenu, plus doux peut-être que pour la nature morte ou le paysage.

Derrière la photo de Perrine, ses rires fusaient. Dans ma tête passaient toutes nos histoires communes, nos réciproques découvertes depuis son berceau, nos jeux, ses câlins, ses regards si rieurs ou malins ou boudeurs. Nos trop rares moments passés ensemble. Tout cela a voulu passer au delà du pinceau, et je suis malheureux de ne pas avoir su tous les exprimer.

En abordant le portrait de Clémence j'étais plus angoissé. Je mettais cela sur le compte de la difficulté du geste à accomplir, de la ressemblance qu'il ne fallait pas rater. A la réflexion, la difficulté technique était un bon alibi. J'avoue : Clémence me regardait sans cesse. Elle a un regard particulier, encore celui de l'enfant qui découvre le monde et s'en étonne, en même temps déjà tellement mûr et sûr de lui. A la fois interrogateur, bienveillant et conquérant tout en douceur vers son Papy. Qui fond. Du haut de ses cinq ans passés, elle m'impressionne !

En réalisant ces portraits j'avais très peur. De ne pas "faire ressemblant", de ne pas trouver la juste couleur, de ne pas équilibrer la composition, de ne pas distinguer les bonnes valeurs ... En réalité je n'avais peur que d'une chose : que Clémence et Perrine ne voient pas dans mes coups de pinceaux que je les aime.

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